Les vendredis de l'angoisse - Une Raison d'agir - EP 10

2/14/2014 09:00:00 PM Esteren 1 Comments

Voilà le dernier épisode de notre aventure ! Steren va-t-elle survivre ??! L'histoire débutée un vendredi 13 se termine un 14 février ... la boucle est bouclée !

Cette nouvelle sera publiée dans un recueil nommé Hantises, à paraître en 2014. Vous retrouverez plus d'informations sur cette future publication ici.

Vous pouvez retrouver les épisodes précédents :

Dans l'épisode précédent ...:

Pourquoi le plancher ne craquait-il pas ? J’avais placé tant d’espoirs dans ce bois censément pourri, et voilà qu’il soutenait un homme en armure lourde. J’étais désespérée et révoltée contre le hasard cruel qui aidait ce monstre. Je l’entendais qui prenait l’échelle que j’avais empruntée. Elle avait fini par glisser à terre, il la ramassa et la cala. Il commençait à grimper, de tout son poids. Le bois grinça, mais tint bon.

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Une Raison d'agir - épisode 10


Je secouai la tête. Que pouvais-je faire ? Je n’avais cessé de reculer ! Qu’aurait-fait Cethern ? Pour moi, il avait toujours été un battant, quelqu’un qui n’abandonnait jamais face à l’adversité, quitte à agir avec témérité. Je sentais confusément que, s'il parvenait à m'inspirer cette qualité, rien que cette nuit, cette leçon me servirait durant toute mon existence. Si j’arrivais à apprendre cela de lui, notre bref mariage aurait déjà eu un sens. Neuf mois, le temps d’une gestation, le temps de devenir moi-même, plus entière.

Jambes tremblantes, je me relevai et avançai à petit pas tandis qu’il montait. Il était presque là. J’arrivai au haut de son échelle, et m’assis tant bien que mal sur la poutre pour pouvoir pousser de mes deux bras, en appuyant aussi mes jambes sur le bois. Je risquais de tomber à mon tour si j’arrivais à faire basculer l’échelle, mais je n’avais pas le temps d’y penser. Pour moi, c’était un exploit.

Soudain, l’échelle se décolla de la poutre. Je devinai le mouvement du monstre pour tenter de m’agripper pour m’entraîner avec lui, mais je fus plus vive cette fois et poussai plus fort. D’abord tout alla très lentement, dans une succession de nombreux grincements… Et cela s’accéléra, pour devenir un fracas, un cri. Le plancher céda enfin sous l’impact, et il tomba. Une chute d’une quinzaine de mètres, accompagnée de débris. Tout s’arrêta dans un ultime craquement sinistre, tout en bas.

Me rattrapant de justesse à ma poutre, je glissai, ne me tenant plus que du bout des doigts ! Allais-je connaître le même sort que mon ennemi juste après l’avoir défait ? Je serrai ma prise, et pris une inspiration. Que faire ? Me lâcher le plus souplement possible trois mètres plus bas, sur le plancher intact de mon étage, et espérer ? Dans un dernier sursaut, je décidai de me balancer en direction du mur avant de lâcher prise, le sol devait être plus solide sur les bords, pensai-je. Je lâchai, les mains endolories et blessées par quelques échardes, et tombai durement sur le sol. L'impact fut brutal, mais moins douloureux que ce que j'imaginais. Je me relevai en me cognant au mur. J'étais choquée, couverte d'ecchymoses et de griffures, mais j’étais hors de danger.

Je m’assis sur les marches de pierre de l’escalier en colimaçon, cherchant mon souffle, essuyant les larmes qui noyaient mes yeux. Je savais que j’étais sous le choc, c’était juste nerveux. J’étais soulagée.

« Tu as toujours été plus intelligente que moi. »

Cethern ? Son fantôme ?

« Je ne veux pas rester, je ne veux pas devenir ce qu’il est devenu. »

L’horreur m’étreignit. Je compris que j’avais tué mon époux, et le fait que son âme ne se soit pas trouvée dans son corps me parut n'être qu’une excuse bien faible…

« L’armure. Tu n’aurais jamais pu m’aider sans la détruire, et elle est indestructible. Entièrement en tugarch’. Personne ne doit jamais l’avoir. »

S’il disait vrai, l’armure à elle seule pouvait valoir autant que son trésor. J’étais pourtant d’accord avec lui, cette chose devait être mise hors d’état de nuire. J’avais besoin de comprendre pour me sentir moins mal, pour que le cauchemar de cette nuit ne frappe plus jamais, pour mettre un terme aux horreurs de la nuit.

Quelque part, j’avais trouvé ma raison d’agir.



Le lendemain, dès l’aube, j’étais allée trouver le cadavre de l’intrus. Le corps de Cethern était brisé et l’armure semblait moins vivace. Ce fut une épreuve de libérer la dépouille de cette protection qui était devenue une prison. Mon idée était de partir, de charger le métal dans des sacs de toile, et de les jeter au fond du gouffre le plus désolé qui soit. Résolue, je tirai de mon mieux la dépouille de Cethern à l’extérieur, dans la cour du château.

Les vautours étaient là.

Plus d’une dizaine, je n’avais jamais vu cela. J’eus la curieuse impression qu’ils éprouvaient de la compassion pour moi. Je me reculai et rentrai. Ils s’abattirent sur le cadavre, une nuée de plumes fauves. Au bout de quelques heures, il ne restait plus que des os. Les contemplant avec une sorte de fascination morbide, il me semblait que cela était bien. Il fallait accepter la mort et la purification des défunts.

Respectueusement, je ramassai les ossements de mon époux pour les ramener à sa famille en y joignant mes nattes tranchées.

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FIN

1 commentaire:

  1. Merci pour le partage de ce texte, très agréable à lire et qui m'a tenu en haleine chaque vendredi !

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